- IBN AL-FAQIH
- IBN AL-FAQIHIBN AL-FAQ 壟H (Xe s.)Parfois tenue pour marginale dans l’ensemble de la production géographique arabe, l’œuvre d’Ibn al-Faq 稜h apparaît aujourd’hui comme une des mieux faites pour nous faire saisir les rapports de cette géographie avec le contexte d’ensemble de la culture arabe aux IXe et Xe siècles, dans le cadre du califat abb sside de Bagd d.De l’auteur, on ne sait à peu près rien, sinon qu’il était iranien d’origine, et plus précisément de Hamadh n. De son œuvre, le Livre des pays , composé vers 903, seul un abrégé nous est parvenu (Mukhtasar kit b al-buld n , M. J. De Goeje éd., Leyde, Leyde, 1885; trad. franç. H. Massé, 1974).Il est arrivé aux successeurs d’Ibn al-Faq 稜h de sévèrement juger sa manière comme trop lointaine de la science en général et de la géographie en particulier. Cette dernière est en effet, pour Ibn al-Faq 稜h, un simple cadre: la division par pays, fournie par elle, est prétexte à dévider tous les renseignements qui peuvent concerner, l’une après l’autre, les régions dont on parle. Ainsi la géographie proprement dite se retrouve-t-elle une discipline parmi d’autres, et rien de plus. Largement minoritaire si on la juge par rapport à l’ensemble, elle est côtoyée par l’histoire, l’archéologie, les mirabilia , la tradition ( ムad 稜th ), les catalogues de produits ou d’hommes célèbres, les citations poétiques, les itinéraires, pour ne parler que de ces rubriques.C’est dire l’enrichissement considérable qu’Ibn al-Faq 稜h apporte à la littérature géographique. Il fait d’elle finalement, mais dans le cadre particulier des pays, une anthologie de la culture (adab ) de l’honnête homme de son temps. D’une tendance jusqu’alors vague et épisodique, il fait quelque chose de systématique; son influence sur ses successeurs sera beaucoup plus considérable que ne le laissent entendre leurs propos critiques: ils ne le citent pas, ou très peu, mais lui empruntent souvent. Ainsi Ibn al-Faq 稜h aura-t-il, par le biais de cette culture «noble» qu’il injecte dans un genre jusque-là tenu pour marginal, contribué à donner à la géographie, par la voie de la «littérature», ses lettres de noblesse. Autre conséquence: en ramenant l’ensemble du donné à des notions assimilables par tout homme convenablement cultivé, en répudiant tout propos de spécialiste, Ibn al-Faq 稜h tend à accentuer le clivage qui, de plus en plus, séparera les préoccupations techniques des savants, géographes-astronomes, d’avec la géographie proprement dite, genre littéraire, il faut y insister, autant et plus que science.Il est de fait que, si aucun exposé de méthodologie scientifique ne se fait jour dans le Kit b al-buld n , où la fantaisie règne dans l’ordre d’énonciation du donné, en revanche est rappelé un principe de composition littéraire: celui du mélange des genres, du sérieux et du plaisant, sous l’autorité du grand maître de la prose arabe qu’est al-Dj ムi ワ. Vue sous cet angle, la nonchalance de l’énoncé est volontaire, de principe; mais elle est, on le voit, de l’ordre du style, non pas de l’ordre de la méthode, au sens où nous l’entendons.À ce double mouvement d’injection de thèmes variés dans la géographie et de transformation en littérature de la matière géographique proprement dite, Ibn al-Faq 稜h donne un cadre précis: les pays d’Islam et eux seuls, les rares incursions en pays étrangers n’étant à la vérité qu’excursions, justifiées, s’il le fallait, par une situation frontalière, l’étranger s’inscrivant ainsi tout naturellement dans le tableau des pays musulmans, qu’il ne fait que prolonger. Encore est-ce bien rare, car l’Islam accapare cette géographie. Peu à peu, face à la géographie universaliste, un courant se dessine de plus en plus fortement: de même que l’histoire doit concevoir l’Islam comme le sommet de l’histoire universelle, et par conséquent lui réserver la meilleure part de ses développements, de même la géographie va-t-elle ambitionner de se consacrer de plus en plus à ces terres d’Islam qui portent le meilleur de l’œcoumène. Ici encore, le rôle d’Ibn al-Faq 稜h aura été décisif.Enfin, l’éclairage d’ensemble de l’œuvre mérite d’être souligné: comme Ibn Rusteh, Ibn al-Faq 稜h est iranien d’origine; comme Ibn Rusteh, il réserve une large place au donné de son pays, tout en entamant, comme lui aussi, la description proprement dite des pays d’Islam par celle des lieux saints d’Arabie. Mais, en définitive, la place de l’Arabie n’est pas ici qu’un hommage obligé: le poids de sa tradition est beaucoup plus fort, Coran et had 稜th reviennent nous le rappeler régulièrement, et l’Iran est intégré de beaucoup plus près à une architecture dont le donné arabe, autant que l’Islam, est la clef de voûte. Cette arabisation du corpus divers de la géographie des pays n’est pas le moindre trait d’une œuvre qui, au total, ne se définit pas comme une géographie au sens où nous l’entendons aujourd’hui, mais qui n’en a pas moins voulu, à son époque et pour son public, être une géographie à sa manière: en prenant le pays comme fin et cadre d’une réflexion totale.
Encyclopédie Universelle. 2012.